Emilie Bonnivard - députée

Émilie Bonnivard

|    Députée Les Républicains – Conseillère régionale

TRIBUNE / AIDES ECONOMIQUES MONTAGNE

En tant que Députée de la Savoie, mais aussi Rapporteure spéciale du Budget du Tourisme, je me dois de prendre la parole. Malgré les annonces du Premier ministre de ce lundi 1er février sur les aides aux entreprises du tourisme d’hiver, force est de constater le flou persistant et l’absence encore de mesures concrètes et pleinement adaptées au sauvetage de cette économie. 

Depuis le début, le Gouvernement peine à comprendre et accompagner de manière adaptée l’économie de la montagne, qui subit la pire crise qu’elle a connue depuis 30 ans. Jamais nous n’avions vécu une saison si noire. Jamais je n’ai connu autant de désarroi et d’inquiétude chez ces entrepreneurs, commerçants, qui ont investi souvent toutes leurs économies et toute leur vie dans leur activité. 

Une saison à l’arrêt pour la montagne, c’est comme si l’économie classique s’arrêtait pendant 1 an, puisque l’activité touristique hivernale est concentrée 7/7h, 42h par semaine, sur les 4 mois d’hiver. Accepterions nous que les entreprises de l’économie classique, nos commerces, subissent de manière durable des baisses de 90% de chiffre d’affaires de manière durable sans rien dire ni faire. Or c’est exactement ce qu’il se passe pour ces entreprises de la montagne. Ces 4 mois d’hiver, c’est 80% du chiffre d’affaires des entreprises de stations. Ces 80% permettent d’assumer des charges lourdes, sur toute l’année. C’est ce modèle économique que le Gouvernement ne parvient pas à appréhender et à accompagner.

L’économie de la montagne, contrairement aux idées reçues, n’est pas réservée aux « riches », elle fait vivre des dizaines de milliers de familles en montagne, à l’année. Sans elle, il n’y aurait plus une école en montagne, plus un médecin, l’agriculture ne serait pas ce qu’elle est. Cette économie a fortement ralenti l’exode rural massif vécu par tous les montagnards dans les années 60, en leur offrant une perspective d’avenir. Si la montagne est vivante, si des hommes et des femmes y vivent à l’année, c’est grâce à cette économie. L’hiver, elle fait vivre des dizaines de milliers de saisonniers, de tous les territoires français. Loin d’être une économie de rente, les montagnards et leurs entrepreneurs, depuis des générations, n’ont cessé d’améliorer nos stations et leurs villages. Grâce à eux, la France est leader mondial du ski.

Dès début décembre, et suite aux annonces du président de la République fin novembre, nous avons pourtant, parlementaires de la montagne, alerté à maintes reprises le Gouvernement sur l’urgence à travailler sur des dispositifs adaptés. Que de difficultés à se faire entendre, à se faire comprendre. Et pendant ce temps nos concitoyens attendent, voient leur trésorerie fondre comme neige au soleil, s’interrogent sur la manière dont ils vont pouvoir finir le mois. Que de temps perdu depuis nos premières alertes…

Nous sommes début février, c’est-à-dire un mois et demi après le début normal de la saison, deux mois après nos alertes, et ces entreprises n’ont toujours reçu aucune aide. Pire, il a fallu convaincre le Gouvernement de modifier les critères initialement décidés pour ces entreprises, qui ne tenaient absolument pas compte de la saisonnalité de l’activité ni de la gravité de la situation.

Que de colère lorsque après des centaines de courriers, des centaines d’appels, depuis décembre, pour trouver une solution pour les commerces repris ou nouvellement créés, nous n’avons toujours aucune réponse. Que dire à nos concitoyens dans la détresse, qui ont investi et qui n’ont le droit à rien parce que le Gouvernement dit « ils n’ont pas de chiffre d’affaires antérieur, donc on ne sait pas comment les aider… ». 

Est-ce acceptable, pour un jeune couple qui à investi et emprunté plus de 400 000 euros pour racheter un fonds de commerces, démarrer la saison, sans aucun revenu, et qui risque la faillite avant même d’avoir pu gagné le 1er euro ? Nous avons fait des propositions concrètes depuis plus d’un mois pour corriger ces situations (prise en compte du chiffre d’affaire antérieur en cas de reprise et aide au forfait pour les entreprises nouvellement créées). Toujours rien.

Que de colère face à l’incapacité de prendre en compte la situation des pluriactifs, ces salariés, agriculteurs, qui sont aussi l’hiver moniteurs ou autre, en ne leur offrant pas l’accès aux aides du Fonds de solidarité, pour une activité qui constitue pourtant leur première source de revenu.

Que de colère aussi face à l’incapacité de comprendre que ce ne sont pas seulement les stations et leurs commerces qui sont touchés, mais tout l’écosystème économique de la montagne, qui est en risque (les imprimeurs non aidés, dont l’activité dépend à plus de 50 ou 60% des stations, les fabriquants de remontées mécaniques, toute l’ingénierie de l’aménagement de la montage, privé de toutes leurs commandes, et donc à l’arrêt non pas pour quelques mois, mais pour deux ans minimum. Car c’est bien la temporalité particulière de cette économie que le Gouvernement ne parvient à faire entrer dans les cases de ses dispositifs).

Quelle colère enfin de voir que tous les hébergeurs, résidences de tourisme, centres de vacances, n’ont toujours pas de dispositif adapté à leur sauvegarde.

Cette colère ressentie et vécue n’est pas là par hasard. Elle est le fruit malheureusement de la frustration que nous avons, nous députés, spécialistes de cette économie si particulière, connaisseurs de ses commerçants, de ses saisonniers, de ses cabinets médicaux de montagne, de tout cet écosystème interdépendant et unique, de ne jamais être entendus, malgré nos propositions, ou trop tard.

Tous les jours je reçois des dizaines de mails d’inquiétude et de désarroi. Mes concitoyens suivent les annonces, attendent les décrets, et deviennent spécialistes de toutes ces listes complexes, des dispositifs d’aide que plus personne ne comprend, même pas les cabinets ministériels, tellement ils se sont complexifiés au fil des semaines. Le fait est que les interprétations sont parfois différentes selon les Directions des finances publiques départementales, qui elles aussi peinent à suivre le rythme. 

Devant tant de désarroi et de colère, il est grand temps que le Gouvernement apprenne à travailler avec les élus et socioprofessionnels concernés. Nous demandons la création d’une « task force » montagne, qui pourra construire vite et mettre en place rapidement un plan de sauvetage de la montagne. Il est urgent de définir un plan détaillé et concret pour sauver nos entreprises du tourisme.