Emilie Bonnivard - députée

|    Députée Les Républicains – Conseillère régionale

Billet d’humeur – Réforme des retraites : un texte flou, non financé, qui ne permet pas de débattre dans la sérénité

 

Une réforme des retraites n’est juste que si l’on sait comment elle est financée et par qui.
Une réforme des retraites n’est juste que si l’on peut être sûr que le montant des pensions des générations à venir ne sera pas inférieur à celui des générations actuelles.
Une réforme des retraites n’est juste que si l’on parvient à déterminer un mode de calcul précis, inscrit dans le marbre, permettant à chacune et chacun de savoir de manière prévisible, quel sera son niveau de pension au moment de son départ à la retraite.
Cinq régimes différents (l’universalité tant invoquée s’éloigne de jour en jour), trois systèmes de calcul différents pour trois générations (celles et ceux nés avant 1975, celles et ceux nés entre 1980 et 2004, celles et ceux nés après 2004), et pas le début d’un chiffre permettant d’assurer l’équilibre budgétaire du système, alors que ce ne sont pas moins de 230 milliards d’euros qui sont en jeu. Tels sont l’ensemble des points qui ont été dénoncés par le Conseil d’Etat relativement au projet actuel du Gouvernement.
Mais le plus problématique reste que la réforme présentée fait courir un risque réel de baisse du montant des pensions pour toute une partie de nos concitoyens et des générations à venir.

Les cotisations retraites acquittées tout au long de la vie sont transformées en points, et chaque point procure un montant de pension. Une fois à la retraite, le nombre de points acquis sera multiplié par la valeur de ce dernier. Or, on ignore comment sera calculée et actualisée la valeur de ce point ! Il n’est pas acceptable de débattre d’un texte dont la clé de compréhension reste inconnue.
Cela créera en outre une incertitude et une anxiété pour les Français, le niveau de pension sera en fonction de la valeur du point au moment du départ en retraite de chacun, valeur qui pourra évoluer à la hausse ou à la baisse…
Outre cette opacité sur la valeur du point, l’autre risque majeur sur le montant des pensions relève de la fin de la prise en compte des 25 meilleures années pour le calcul de celles-ci. Ce risque concerne la majorité des salariés français, qui auront progressé dans leur carrière. Leur mérite, leur évolution professionnelle, seront moins valorisés par le nouveau système, dont les évolutions de traitement sont souvent limitées dans leur carrière, mais qui bénéficiaient, avec le système actuel, d’un calcul de leur pension à partir des six derniers mois (les meilleurs).
Les perdants de ce nouveau système seront donc essentiellement :
• Les salariés du privé dont la carrière aura été ascendante,
• Les fonctionnaires, sauf revalorisation importante (donc improbable) de leurs traitements,
• Les femmes ayant 3 enfants ou plus, en raison de la suppression des majorations de trimestres,
• Les régimes autonomes et ceux des travailleurs indépendants qui ont constitué des réserves susceptibles d’être mutualisées alors que leur régime est excédentaire. La réforme prévoit en plus, pour ces publics, une augmentation importante de leur niveau de cotisations (pas uniquement pour les avocats, mais aussi pour les orthophonistes, les moniteurs de ski, les agriculteurs, etc.).
Si l’un des points positifs de la réforme est le passage d’un minimum retraite à 1 000 euros pour les agriculteurs (pour une carrière complète soit 43 ans), que nous avions aussi prévu dans notre projet, il est incompréhensible que cette mesure ne s’applique qu’aux retraités agricoles entrant à la retraite à partir de 2022 et pas aux retraités actuels !
Historiquement, notre famille politique a assumé 3 réformes des retraites (en 1993, 2003 et 2010) afin de sauver notre système par répartition en le ramenant à l’équilibre financier.
Nous avons des propositions claires pour assurer l’avenir de notre système dont nous sommes les héritiers depuis 1945, en corrigeant les insuffisances du système actuel, par rapport à une société qui a évolué (entrée plus tard sur le marché du travail, diminution des carrières linéaires, etc.).
Les leviers disponibles pour équilibrer le système et l’améliorer, eu égard aux évolutions démographiques et à l’allongement de la durée de vie des Français, sont au nombre de trois :
• Augmenter les cotisations des salariés,
• Baisser le niveau des pensions,
• Reculer l’âge de départ à la retraite.
Nous avons fait un choix prioritaire chez Les Républicains, de manière responsable et assumée : celui de préserver le niveau des pensions des retraités, de l’améliorer pour les publics les plus fragiles, sans augmenter les cotisations sur les travailleurs (le niveau de prélèvement sur les actifs en France est déjà l’un des plus élevés en Europe).
Pour ce faire, nous savons que le départ à la retraite devra progressivement être reculé, tout en tenant compte de la pénibilité de certaines carrières, pour déterminer l’âge de départ.
Nous proposons donc les mesures suivantes :
• Aligner les modes de calcul des régimes de retraites publics sur ceux du privé,
• Mettre fin aux régimes spéciaux et fixer un calendrier de sortie, tout en prenant en compte les spécificités liées à la pénibilité de certaines professions,
• Sanctuariser les acquis de la politique familiale concernant les droits familiaux et conjugaux qui sont des piliers de notre système de retraite,
• Préserver l’indépendance des caisses de retraites autonomes (à l’image de celle des avocats), des organismes qui ont été de bons gestionnaires et qui ont dégagé des excédents sans faire appel aux contribuables,
• Garantir les pensions de réversion des veuves et des veufs.

En ce qui concerne les débats dans l’Hémicycle, nous agissons en Opposition responsable : un vrai contre-projet, des amendements, mais pas d’obstruction vaine qui fragilise et décrédibilise le débat démocratique.